[DataViz] Séminaire : « Visualisations de l’information inspirées par la nature. La quête de la frontière entre l’efficacité et le ‘chart junk' »

Attention ! Pour des raisons indépendantes de notre volonté, le séminaire est annulé. Il sera reporté à une date ultérieure. Toutes nos excuses et merci pour votre compréhension !

Le phénomène « chart junk » a pris beaucoup d’importance aujourd’hui dans la visualisation de l’information. Premièrement signalé par Tufte, le chart junk est défini comme l’utilisation des ornementations qui ne communiquent pas de l’information et/ou qui compliquent de manière inutile la perception du message de la visualisation. Une étude plus approfondie nous montre que les éléments graphiques principalement utilisés dans la construction du chart junk comprennent la lumière, le rendu 3D, l’utilisation des formes arrondies et l’intégration des images réelles. En somme, le chart junk utilise un style visuel très proche des images naturelles. D’autre part, des techniques récentes dans la visualisation de l’information favorisent aussi l’utilisation des rendus organiques, des textures et des techniques de synthèse d’images réalistes.

Invited speakers â?? Graph Drawing 2018

Ce séminaire propose d’explorer ces deux facettes de l’utilisation des imageries réalistes dans la visualisation de l’information en essayant de trouver la frontière subtile entre l’utilisation justifiée de telles techniques et leur sur-utilisation qui favorise l’apparition du chart junk. Des exemples des deux types d’utilisation seront discutés pour des applications de visualisation de hiérarchies, réseaux, trajectoires, et données multidimensionnelles.

Par Alexandru Telea, professeur titulaire en analyse visuelle multi-échelles à l’Institut Johann Bernoulli de la Faculté des sciences et de l’ingénierie de l’Université de Groninguen, aux Pays-Bas.

Informations pratiques

Le séminaire aura lieu le vendredi 7 décembre 2018 de 9h30 à 12h30 au Social Media Lab, sur le site de l’UCLouvain FUCaM Mons (Chaussée de Binche 151, 7000 Mons).

Le séminaire est destiné aux doctorants et chercheurs en sciences humaines et sciences appliquées.

Inscription gratuite et obligatoire.

Quel est le rôle des objets frontières dans le renforcement des communautés de pratique ? Tama Rchika est intervenue dans le cadre des 7ème journées Georges Doriot 2018 à Montréal (ESG UQAM)

Tous les deux ans, les journées Georges Doriot sont l’occasion de mettre en pratique trois principes forts :

  • L’intelligence pratique : l’entrepreneuriat est un champ où l’imbrication entre les pratiques et les réflexions académiques est nécessaire et fructueuse.
  • Une vocation transdisciplinaire : ces journées doivent permettre d’aborder les phénomènes entrepreneuriaux sous diverses facettes : managériale, juridique, psychologique, historique, etc.
  • La relation entre entrepreneuriat et société : les journées Doriot souhaitent mettre l’accent sur l’entrepreneuriat comme agent des transformations sociales et non réduire l’entrepreneuriat à la création de richesse.

Sur le thème de « l’entre-prendre » et du partage, les journées Georges Doriot s’interrogeait, cette année, sur le potentiel de la transformation sociale dans le cadre de l’entrepreunariat. L’objectif de ces journées était d’aller au-delà de la critique pour mettre en débat des conceptions alternatives de l’entrepreneuriat qui considèrent davantage les dimensions sociales, transformatives et relationnelles de l’entrepreneuriat, qu’il soit ou non marchand. En somme, cette conférence visait à porter l’attention de la communauté sur l’ENTRE des dynamiques entrepreneuriales.

C’est dans le cadre de l’atelier « Entrepreneuriat, Nouvelles Formes d’Organisation du Travail et Nouveaux Espaces » que Tama Rchika a présenté un de ses axes de recherche : Le rôle des objets frontières dans le renforcement des communautés de pratiques entrepreunariales. Dans le cadre de cette réflexion, elle s’est dès lors interrogée sur base des premiers résultats issus de son travail de terrain. Ainsi, au cours d’une observation participante menée au sein du Ouishare Fest[1] de Paris en juillet 2017, il lui était apparu que ce collectif d’entrepreneurs était à la fois hétérogène tout en correspondant effectivement à une communauté de pratique (Wenger, & Lave, 1988). Dès lors, elle s’est intéressée à cette tension liée à la double nécessité de conserver la communauté Ouishare tout en prenant compte l’hétérogénéité de ses membres. C’est ainsi qu’elle a proposé de renforcer la théorie des communautés de pratique, traitant peu de la notion d’hétérogénéité, par le concept analytique de l’objet frontière (Star, & Griesemer, 1989), un arrangement permettant de répondre à la tension issue du besoin de coopérer et de l’existence de mondes sociaux différents.

 

Pour mener à bien sa présentation, elle est ainsi revenue sur la description de Ouishare et de son observation participante durant le Ouishare Fest. Ensuite, elle a marqué un retour théorique à la fois sur la notion de communautés de pratique et ensuite, sur celle d’objet frontière. Elle a alors démontré que Ouishare correspondait effectivement, sur base de trois dimensions centrales, à une communauté de pratique :

 

  1. Engagement des individus dans des actions dont ils négocient le sens (Wenger, & Lave, 1988) ;
  2. Accueil et formation des nouveaux venus ainsi que développement d’une identité commune (Daele, 2009) ;
  3. Développement d’un répertoire constitué de ressources (histoires, symboles, rituels, etc.).

 

Elle a alors mis en avant la particularité de Ouishare d’être, plus spécifiquement, une méta-communauté de pratique composée d’ensemble locaux. Ce constat l’a alors conduite à s’interroger sur la capacité de Ouishare à dépasser la limite engendrée par l’hétérogénéité inhérente à son collectif de sorte à ce que la dimension locale ne l’emporte pas sur le niveau global. C’est dans ce cadre qu’est arrivée la notion d’objet frontière comme réponse au besoin de cohérence entre ces groupes hétérogènes par la création de « ponts » (Star, & Griesemer, 1989).

[1] http://ouisharefest.com/.

 

 

Visualisation de données et design émotionnel peuvent-ils se conjuguer ?

La visualisation de données et le design émotionnel peuvent-ils se conjuguer ? Tiffany Andry y répond au 86ème Congrès de l’ACFAS

Au Québec, chaque année, L'Association francophone pour le savoir (ACFAS) organise son congrès, réunissant un ensemble de scientifiques francophones aux disciplines diverses et variées. Son objectif est de contribuer à l'avancement des sciences au Québec et dans la francophonie canadienne, en favorisant la diffusion des résultats de recherche.

Le 86ème Congrès de l'ACFAS s'est tenu à l'Université du Québec à Chicoutimidu 7 au 11 mai 2018, où Tiffany Andry a été reçue dans l'un des 118 colloques organisés. Dans le colloque n°421 du 10 mai, intitulé "Les affects numériques : production, circulation et marchandisation", elle a traité la question de la visualisation de données et du design émotionnel, en parcourant ses premiers résultats de recherche. Ce colloque a donc abordé le tournant affectif et émotionnel du web, et plus largement de l'économie du numérique, en s'interrogeant, entre autres : "En quoi les dispositifs numériques permettent-ils réellement de produire et de faire circuler des affects ou émotions ?"

La journée s'est ainsi articulée autour de sujets très diversifiés et a pu montrer que la question des affects numériques touche de nombreuses sphères liées au web... mais pas uniquement. De la configuration des affects contemporains par l'économie numérique, de l'empathie liée au journalisme immersif, de la misogynie à l'ère du numérique, en passant par le capitalisme émotionnel dans les discours de communication d'influence, les limites de "l'émotion" ont été tracées, voire étendues.

Dans ce contexte, Tiffany Andry a présenté sa réflexion sur les liens potentiels entre la dataviz et le design émotionnel, initié par Don Norman (2012). Effectivement, après avoir recensé plus de 65 principes de visualisation de l'information, notamment en parcourant les travaux de Bertin (1967) et Tufte (1983, 1990, 1997), elle a noté leur teneur minimaliste : le "bon" graphique serait un graphique épuré. Face à cela, elle a constaté, comme d'autres auteurs, un penchant pour l'ornementation des visualisations, que ce soit dans les médias ou dans les organisations. Fioritures et décorations ne sont effectivement pas conseillés par les principes relevés... Par ailleurs, Kennedy et al. (2015-2017) ont montré que les gens réagissent émotionnellement aux visualisations de données, en fonction de différents facteurs humains, dont l'ornementation peut faire partie. C'est là que le design émotionnel, pensé prioritairement pour les objets tangibles, entre scène : entre le niveau viscéral (sensation esthétique de base), comportemental (utilisabilité) et réflexif (recul critique), un équilibre idéal permettrait à l'utilisateur de mieux travailler avec un objet dit "agréable"... même s'il est en soi moins efficace. Dès lors, Tiffany Andry s'est demandé dans quelle mesure cette affirmation ne s'appliquerait pas aux ornementations des visualisations de données. Après avoir mené des expérimentations en laboratoire avec des professionnels de la communication numérique, elle a pu présenter ses tous premiers constats. L'ornementation serait vue comme une aide pour les uns, comme un élément agréable absolument nécessaire pour d'autres, tandis que d'autres encore estiment qu'il s'agirait là d'un geste évident de la part de l'émetteur qui prendrait ainsi "soin" du destinataire en lui proposant une lecture plaisante. Ainsi, Tiffany Andry a considéré qu'effectivement, le design émotionnel pouvait s'appliquer à toutes ses notions, parce qu'il ne propose pas une visualisation qui fonctionne mieux en tant qu'objet mais qui prédispose plutôt l'individu à la considérer et à s'engager dans sa compréhension. Pour en savoir plus, la présentation se trouve ci-dessous.

Afin d'en apprendre plus sur les réflexions émises lors du colloque n°421, parcourez le live tweet :

Sandrine

Il est légitime de s’interroger sur l’impact démocratique des réseaux sociaux, mais c’est tout le système qui doit être questionné

Début du mois, regulation.be avait un entretien avec notre collègue Sandrine Roginsky à propos du déploiement des politiques sur les réseaux sociaux. Vous pouvez accéder au site à l’origine de l’entretien en cliquant sur le lien ci-avant. Voici, cependant, ce qu’il s’y est dit:

 

Le déploiement des politiques sur les réseaux sociaux est-il neuf ?

La présence des partis et des hommes et des femmes politiques sur les réseaux sociaux a déjà quelques années. Dès que des plateformes comme Facebook puis Twitter sont arrivées, certain.e. s s’y sont mis.es. Mais on est plutôt « suivistes » en Europe. Donc, l’intégration s’est faite en douceur entre 2009 et 2012. On peut parler de confirmation de la tendance entre 2012 et 2015. Et depuis 2016 environ, on assiste petit à petit une professionnalisation et une institutionnalisation des outils.

Est-ce que les politiques sont devenus des machines marketing sur les réseaux sociaux ?

Facebook et Twitter font à proprement parlé partie de l’arsenal marketing des partis. Aujourd’hui, il n’y a pas un parti qui n’affecte pas, au moins en partie, une personne et un peu de temps à la communication sur les réseaux sociaux. Evidemment, tous n’ont pas les mêmes ressources. Mais l’utilisation de ces plateformes est incontournable.

D’ailleurs, pour illustration, le Parlement européen a organisé des ateliers, animés par des coaches des sociétés Twitter et Facebook, pour montrer aux élus et à leurs collaborateurs comment utiliser les plateformes. Aux USA, pendant la campagne présidentielle, Facebook a délégué un spécialiste de la plateforme auprès des Républicains comme des Démocrates. Ce type d’invitations peut sembler un peu étrange, surtout qu’à d’autres moments ces organisations font du lobbying auprès de ces mêmes personnes.

Les politiques attribuent-ils trop d’importance aux réseaux sociaux aujourd’hui ?

On parle beaucoup des réseaux sociaux. Ils sont, de fait, importants et font partie de la stratégie de communication mais les plateformes n’ont pas fait disparaître les autres outils qui les précèdent. Ils sont venus s’y ajouter. Quel est le premier objectif des politiques quand ils tweetent ? Toucher les journalistes. Ils utilisent aussi la plateforme pour voir ce qui se dit dans les médias, dans les partis, au-delà dans la société civile organisée. Finalement ce n’est pas tant les règles du jeu qui changent, mais leurs modalités : le temps s’accélère, la pression augmente, le visible et l’invisible s’entremêlent, etc.

Quant à Facebook, sa fonction est différente. La plateforme est censée aller au-delà de ces premiers cercles. Mais en même temps on a là aussi tendance à parler à ceux qui veulent bien nous entendre, des adhérents, des militants, des sympathisants. On prêche des convaincus. D’accord, on peut cibler et sponsoriser des posts. Mais est-ce ce suffisant pour changer la vision des gens ? On est en général plus sensible aux messages qui nous confortent dans notre opinion.

Les tendances montrent d’ailleurs une baisse de confiance des citoyen.ne.s envers les réseaux sociaux. Facebook a d’ailleurs fait plusieurs mea culpa ces derniers mois et reconnait même pouvoir être dangereux pour la démocratie…

C’est difficile de comprendre la position de la société Facebook. Le but premier de l’entreprise est de faire du profit. Cela passe donc par des clics, des contenus sponsorisés. Si Facebook met en avant ce que les gens eux-mêmes partagent, les fausses informations ne vont pas disparaître. Elles seront peut-être un peu moins visibles, mais l’impact de ces modifications est difficile à mesurer.

Plus généralement, il est légitime de s’interroger sur l’impact démocratique des réseaux sociaux, mais c’est tout le système qui doit être questionné. Si le journaliste était toujours le baromètre de l’information, on aurait peut-être moins ces considérations-là. Mais étant donné le déficit de confiance dont souffrent les médias dits « traditionnels », on ne se réfère plus autant au contenu professionnel. Selon moi, renvoyer la responsabilité aux seules plateformes est une vision simpliste et tronquée d’un problème plus vaste.

Quelle attitude adopter face aux éventuelles dérives ?

Il faudrait que chaque citoyen.ne, mais aussi les politiques, prennent le temps de s’interroger sur le rôle et le fonctionnement des différentes sphères ; médiatique, politique, technologique. Une meilleure compréhension du fonctionnement des plateformes – qui devraient être plus transparentes (par exemple sur leurs algorithmes) – est aussi nécessaire. Une éducation aux médias et aux nouveaux médias devrait naturellement avoir une place de choix dans le système éducatif.

Une évolution de la régulation sera sans doute également nécessaire. La réglementation européenne en matière d’utilisation des données est heureusement beaucoup plus stricte qu’aux Etats-Unis. Outre Atlantique, les partis utilisent les données privées pour réaliser des profilages de plus en plus pointus et produire le contenu en fonction : on est loin de l’idéal de l’espace public démocratique. Au contraire, on adapte le discours à chacun en lui donnant à voir et entendre ce qui le conforte et le confirme dans ses opinions et ses comportements. Trump l’a fait mais Obama utilisait déjà ces méthodes. Ce ciblage est – heureusement – très coûteux, ce qui devrait freiner son développement chez nous, sans compter les règles plus strictes. Mais ce n’est pas exclu que l’un ou l’autre parti tente le coup au prochain scrutin, ici ou ailleurs en Europe… Les régulateurs doivent être attentifs à ces développements technologiques et veiller à trouver des solutions qui limitent l’utilisation de données privées, par les partis mais aussi bien sûr par les plateformes.

François Lambotte, au séminaire d’Elico, pour parler du Social Media Lab

François Lambotte

Ce 12 janvier 2018 se tenait une séance du séminaire mensuel d'Elico. A l'occasion dudit séminaire, François Lambotte, fondateur du Social Media Lab, était invité pour parler du projet SML. Il a pu profiter de cette journée pour rappeler aux intéressés, présents en grand nombre pour l'écouter, quels étaient les objectifs du laboratoire ainsi que revenir sur les moyens via lesquels les recherches menées en son sein sont financées. Cette invitation était, notamment, due à l'implication de plusieurs membres d'Elico dans des programmes qui mènent aux mêmes questionnements que ceux soulevés par notre fondateur.

Pour parvenir à délivrer toutes ces informations, François Lambotte a pu proposer deux présentations, une durant la matinée, l'autre durant l'après-midi. Pour la première, il s'agissait de montrer ce qu'avait le laboratoire à proposer à des partenaires industriels ainsi que ce qu'il pouvait apporter aux chercheurs qui travaillent pour lui, comme le développement d'outils dans le domaine de la datavisualisation par exemple. Vous pouvez d'ailleurs retrouver son article à ce sujet ici.

Dans le cadre de la seconde présentation, il a pu exposer un point de vue critique sur la posture qu'adopte notre laboratoire, ainsi qu'apporter une nouvelle vision du parallèle entre la confiance que l'on accorde à la datavisualisation et aux métriques dans les réseaux sociaux, qu'ils soient privés ou professionnels.

Sophie Huys nous parle de « l’ethnographie en terrain militant » durant la conférence « Ethnographies plurielles #7 »

 Sophie Huys

Les 9 et 10 novembre 2017 s’est tenue la conférence « Ethnographies plurielles #7 – Ethnographies et Engagements », à laquelle Sophie Huys, chercheuse affiliée au Social Media Lab a pu apporter sa contribution. Organisée à Rouen, cette conférence portait sur les engagements de l’ethnographie ou de l’ethnographe, en questionnant dans quelle mesure cette pratique engage le chercheur ou sa discipline, et les ethnographies de l’engagement, en interrogeant les façons dont les chercheurs ont étudié des pratiques et des discours qualifiés d’engagés.

Dans sa thèse, elle s’intéresse à l’utilisation d’une plateforme numérique par l’ONG Greenpeace. Cette plateforme, du nom de Greenwire, est le réseau social interne de l’organisation. Dans cette dernière, volontaires, bénévoles et employés peuvent échanger et s’organiser. Elle pose surtout son regard sur la place d’un tel dispositif dans la reconfiguration de l’action des collectifs de l’ONG. Le tout, en partant des usages, afin de comprendre leur intégration dans les pratiques des collectifs de ladite organisation.

Notre principale intéressée n’a pas manqué de commencer sa présentation par une petite anecdote liée à l’un de ses nombreux entretiens: « Tu nous tiendras au courant de la date de ta soutenance, on viendra ! Je suis curieux de voir ce qui va ressortir de tout ça… ». Cette petite clôture, amenée par le participant, trouvait, selon Sophie sa place dans la présentation tant elle a ravivé, dans son esprit de chercheuse, le questionnement relatif aux dimensions de son engagement sur le terrain de sa recherche doctorale, celui d’une organisation non-gouvernementale. Sa posture et son degré d’engagement ont évolué au fil de sa recherche. Si un degré de participation plus important permet d’élargir l’accès à des pans du terrain, il suscite aussi des attentes dans le chef des enquêtés quant à la possible formulation de recommandations pour leur équipe et, plus largement, l’organisation. Après un rapide retour sur le contexte de sa recherche, elle revient sur le processus d’élaboration de sa posture et son « intensité participative » dans une organisation traversée par des dynamiques militantes. Elle argumente ici en faveur d’une évolution du chercheur en terrain militant sur un « continuum de la participation », plutôt que de l’envisager comme cloisonné dans une posture; selon les phases de sa recherche il sera alors capable de bricoler des méthodes pour préserver et son enquête, et ses enquêtés.


L’ethnographie en terrain militant : l’exercice périlleux du chercheur, funambule sur le fil de l’engagement.

Notre terrain de recherche est le bureau belge d’une ONG de défense de l’environnement. Nous arrivons en 2016, peu de temps après le lancement d’une plateforme numérique autour de laquelle gravitent de nombreux attendus. Parmi eux, celui d’accompagner la transition de l’organisation d’ « une structure hiérarchique et centralisée, laissant peu d’autonomie aux composantes de base » (Fréour, 2004 : 325) à une structure plus horizontale. En même temps que la plateforme, naissent des groupes locaux, formés par des individus actifs dans différentes villes de Belgique. Ceux-ci sont alors vivement invités à s’inscrire sur la plateforme et à en faire leur principal outil de communication et d’organisation. Constatant la place prépondérante assignée à la plateforme dans le processus de réorganisation, elle est devenue le point de départ de notre recherche. Au travers elle, nous interrogeons les pratiques des salariés et volontaires de l’ONG et l’éventuelle expression de tensions (Michaud, 2011 : 62) issues de leur rencontre.
Nous ne prétendrons pas être arrivée sur le terrain armée d’outils de récolte de données précisément et rigoureusement définis. Nous avions néanmoins posé l’orientation générale de notre dispositif méthodologique, que nous qualifierons d’ethnographique. Nous l’inscrivions d’emblée dans une démarche qualitative, pour la place accordée à l’interaction chercheur-participants dans la construction de la connaissance (Anadón & Guillemette, 2007 : 28). Nous envisagions de réaliser notre enquête ethnographique sur un temps long, estimant que le temps était nécessaire à la construction de relations fortes (Havard-Duclos, 2007 : 1) et de confiance avec nos enquêtés. Cette confiance nous permettrait alors d’élargir le champ d’accessibilité des données (Soulé, 2007) et de faciliter le processus d’acceptation de notre présence régulière sur le terrain (Lefebvre, 2010).

Notre réflexion sur des concepts théoriques centraux – ceux d’organisation et de dispositif numérique – a également contribué au façonnement de la méthodologie, particulièrement pour définir les lieux à investiguer et les personnes à interroger et/ou observer. Nous décrivons l’organisation ; « non pas comme un lieu figé où la structure formelle agit comme une contrainte, mais comme un lieu en mouvement, un lieu de construction, de structuration, un lieu en mouvement perpétuel » (Husser, 2010 : 33) – et dans le cas qui nous occupe, se manifestant à des niveaux international, national et local. Ceux-ci étant intimement liés, nous articulons entretiens semi-directifs et observation (de participante à non-participante) pour aborder ce vaste ensemble, duquel fait partie la plateforme numérique. Nous comprenons celle-ci non pas comme simple un outil mais bien « comme partie prenante d’un processus co-évolutif qui modèle les pratiques et les formes organisationnelles »1 (Bach & Stark, 2004 : 103). Dès lors, plutôt que de distinguer l’ethnographie selon les espaces (en ligne, hors ligne), nous préférons employer le terme de « connective ethnography » (Leander, 2008) pour signifier la liaison des espaces – et élargir ainsi le « répertoire des acteurs dans l’organisation de sorte à saisir l’action des non-humains dans les tensions » (Michaud, 2011 : 50).

Outre ces réflexions théoriques, ce sont des éléments contextuels qui ont contribué à l’évolution de notre posture et de son degré d’engagement.

D’abord, le caractère militant de l’organisation étudiée, « dont un des enjeux est de produire de l’adhésion et de l’enrôlement » (Havard-Duclos, 2007) et où l’ « injonction à l’engagement est explicite et permanente» (Combes & al., 2011). Ainsi, lors de notre première rencontre avec la personne qui deviendra notre interlocuteur principal, nous percevons d’emblée que nous sommes autant à ses yeux une bénévole potentielle qu’il n’est aux nôtres un point d’entrée dans l’organisation. Il nous invitera dès cette rencontre à participer à une « Journée d’accueil des volontaires », et, pour ce faire à nous inscrire sur la plateforme. Il ne manquera pas, par ailleurs, de nous mettre en contact avec des personnes actives dans notre ville d’origine pour nous suggérer d’y développer des activités. Nous avons ainsi très vite compris que, pour recueillir les données nécessaires à notre enquête, il serait profitable que nous nous investissions nous aussi pour l’ONG, entrant ainsi dans une relation de « donnant-donnant », de coopération nécessaire (Ion, 2012) avec les acteurs du terrain enquêté. Plus seulement chercheuse, nous deviendrons progressivement « enquêteur-volontaire » assumant une double-identité « de chercheur et d’enquêteur selon les circonstances, la nature des interactions, le statut des interlocuteurs », et dont nous tentons de faire « le meilleur usage stratégique » (Lefebvre, 2010 : 131). Selon les situations d’interaction approchées, nous mettons en avant l’un ou l’autre rôle, lorsque nous jugeons que cette définition de notre « identité est susceptible d’enrichir la qualité des échanges, en sollicitant une parole « sérieuse, réflexive, qui fait « avancer la recherche » » (op.cit). Cette capacité à trouver adopter la « bonne » posture dans les « bons » moments tient, selon nous, à une connaissance affinée du terrain, suffisamment longtemps exploré que pour que le chercheur se fie à son intuition.

Notre posture de bénévole constitue ainsi un atout à nos yeux (pour l’accès à certains pans du terrain) et à ceux des enquêtés (pour l’aide apportée dans le développement des groupes locaux). Mais il semble que notre posture de chercheuse soit elle aussi porteuse d’intérêt du point de vue de nos enquêtés… En effet, et c’est ici le deuxième élément contextuel important : nous mettions les pieds dans l’organisation lors d’une phase relativement sensible de réorganisation des départements, de questionnements dans ceux-ci sur leurs rôles et missions. Ainsi, à notre statut de chercheuse, au statut de volontaire, « comme posture disponible dans l’organisation » (Broqua, 2009 : Arborio & Fournier, 2012 : Racine, 2007) s’ajoutait potentiellement celui d’experte. En effet, des anecdotes telle que celle relayée plus haut nous rappellent que l’équipe que nous suivons vit les bouleversements organisationnels que nous évoquions plus tôt. D’où l’intérêt, voire la curiosité régulièrement manifestés par nos interlocuteurs quant à nos futurs résultats de recherche. Ainsi, dans cette « spirale de la loyauté » (Havard-Duclos, 2007 : 7) vécue par le chercheur temporairement bénévole pour les besoins de son enquête, s’insère l’attente de son expertise. Nous nous devons cependant d’être prudente car les propos que nous avons pu récolter lors des entretiens sont confidentiels – que faire par exemple de propos, parfois virulents d’un employé qui décrit la gestion d’un manager ? Nous envisageons ici la rédaction d’un rapport à destination de nos enquêtés, une fois notre travail de terrain clôturé. Dans celui-ci, ni noms ni entretiens n’apparaîtront, seuls des constats généraux seront transmis. Nous privilégierons un format plus court que notre thèse doctorale qui, tant par son volume que par le contenu sensible qu’elle renfermera, ne nous semble pas être la meilleure manière de répondre aux attentes de nos enquêtés – la considérer comme telle risquerait par ailleurs prendre le risque de trahir non plus seulement le champ de l’engagement, mais aussi celui de la recherche.


 

Damien De Meyere aux Journées d’études « Organisation, santé et numérique » (UQAM-CNAM)

Damien De Meyere, chercheur et doctorant au Social Media Lab, était à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) les 23 et 24 octobre 2017 pour participer aux Journées d’études « Organisation, santé et numérique », organisées conjointement par l’UQAM (Montréal) et le CNAM (Paris). Com'SantéSa contribution, intitulée « Une approche linguistique pour la détection automatique de communautés d’expertise : le cas des forums de Doctissimo » avait pour objectif de présenter les premiers résultats de sa thèse réalisée sous la direction des Professeurs François Lambotte (Social Media Lab) et Cédrick Fairon (Cental). Ces journées d’étude ont été l’occasion de réunir des chercheurs, jeunes comme confirmés, travaillant eux aussi sur des thématiques de santé en lien avec les réseaux sociaux. Le programme des journées se trouve sur le site du Centre de recherche sur la communication et la santé (ComSanté).


Résumé de l’intervention

On pourrait penser que la popularité croissante des plateformes en ligne comme Doctissimo est au service de l’autonomisation des patients en ce qui concerne la gestion de leur parcours médical, une tendance qui ne cesse de se marquer dans un secteur des soins de santé en pleine mutation. Cependant, de nombreux travaux font état de l’inquiétude des spécialistes de soins de santé quant à la fiabilité des informations qui y sont publiées (Nabarette, 2002 ; Romeyer, 2012). S’il est vrai que la recherche d’information fiable sur ces communautés non spécialisées demeure un enjeu crucial, nous pensons néanmoins que ces lieux de discussion fédèrent des contributeurs ayant chacun une certaine expertise qui touche des domaines de compétences différents, mais complémentaires. Ainsi, un objectif ambitieux poursuivi dans le cadre de la thèse est de combiner la description des différents profils d’expertise à l’oeuvre sur Doctissimo et une formalisation informatique de la typologie ainsi produite, ce qui pourrait permettre d’opérer un classement automatique de l’information.

Dans ce cadre, Damien a présenté un prototype de dashboard permettant de visualiser, d’analyser et de comparer l’activité des utilisateurs sur les forums « Santé » de Doctissimo. Si le premier prototype de l’interface montre essentiellement des métriques liées au volume d’activité, comme le nombre de sujets initiés, le nombre de réponses, la dispersion entre les différentes thématiques des forums, le chercheur a aussi montré que des métriques plus linguistiques, telles que les concepts médicaux utilisés, la longueur moyenne des messages ou la référence à un contenu posté ultérieurement, permettent de mettre au jour différents types de comportements qui doivent maintenant être analysés plus en détail, notamment au travers du prisme de l’analyse linguistique. L’un des objectifs à court terme sera de voir dans quelle mesure les typologies déjà existantes en ce qui concerne les profils d’utilisation des plateformes collaboratives sont applicables, et quelles solutions peuvent être apportées pour les adapter à des communautés ouvertes et non spécialisées telles que Doctissimo.

Tiffany Andry VINM

Tiffany Andry questionne les principes de design des visualisations de données à la conférence VINM 2017

Le 9 novembre 2017, Tiffany Andry, chercheuse en communication au Social Media Lab, a contribué à la conférence « Visualizing (in) the new media » à Neuchâtel, en Suisse. Organisée conjointement par les universités de Neuchâtel, Zurich et Berne, cette conférence internationale portait sur la communication visuelle dans/à propos des nouveaux médias. Que ce soit du point de vue des interactions sociales, du métadiscours, des idéologies visuelles ou du design industriel, les 42 interventions de chercheurs de différentes nationalités ont largement couvert la thématique, du 8 au 10 novembre.

Tiffany en faisait donc partie. Dans sa thèse, sous la promotion de François Lambotte et Pierre Fastrez, elle réfléchit à l’influence de la potentielle ornementation des visualisations de VINMdonnées sur la construction de sens des utilisateurs. Une visualisation de données peut être un petit graphique comme on a l’habitude d’en voir dans les nouveaux médias, tout comme une image complexe qui en quelques traits nous explique des relations entre différentes variables. Ces graphiques sont souvent admirés pour leur côté « design » parce qu’ils semblent beau ou sont attirants. C’est ce que Tiffany questionne : comment est-ce que nous faisons sens de ces graphiques – parfois enjolivés ou non – qui ne sont pas toujours réalisés en suivant les règles de construction qui existent en la matière ? Lors du colloque VINM, Tiffany a expliqué pourquoi, selon elle, ces règles de construction et ces principes de design pourraient être revus et discutés aujourd’hui, en fonction de notre contexte communicationnel qui se voit en mutation grâce au digital. Une présentation qui a été bien reçue, avec une phrase qui a marqué les esprits : « Peut-on se permettre, aujourd’hui, de se contenter de la perception d’une visualisation de données sans en questionner le sens, alors qu’on sait que notre écosystème communicationnel est en pleine mutation ? La réalité est bien plus complexe ». Découvrez sa présentation plus en détails en fin d’article.


Dataviz et nouveaux médias : des règles de construction graphique remises en cause ?
Par Tiffany Andry & François Lambotte

Ces dernières années, la quantité d’information produite et accessible n’a cessé de croître de façon exponentielle, notamment grâce à l’essor de l’activité socio-numérique. Les nouvelles technologies permettent l’extraction, le traitement algorithmique et la visualisation des données à des fins informationnelles et communicationnelles et transforment profondément nos sociétés (Cardon, 2015). L’utilisation de programmes de visualisation de données est aisée. La démocratisation des sources de données sur le web et les progrès graphiques en informatique enclenchent une évolution dans le domaine de la visualisation d’informations (Viégas et Wattenberg, 2007). Les visualisations de données, facilitées par ces évolutions, ont le vent en poupe. Mais, en ce qui concerne la représentation visuelle des données, il existe des principes et des règles de représentation graphique de l’information qui, semblerait-il, ne seraient pas forcément respectées dans les visualisations de données propagées aujourd’hui. L’intérêt de la visualisation de données réside dans l’économie cognitive qu’elle offre à son lecteur. Elle rend également plus simple la lisibilité et la mémorisation (Saulnier, Thièvre, Viaud, 2006). En bref, elle peut présenter une information de manière complète, rapide et percutante. C’est également la raison pour laquelle elle est fréquemment utilisée dans les (nouveaux) médias et dans les entreprises. Mais, alors qu’elle est fréquemment utilisée pour transmettre ou comprendre une information, il est bon de se demander si les bases théoriques concernant la représentation graphique de l’information sont toujours valables en regard de cette évolution.

Ainsi, lors d’un travail de revue de littérature appuyé sur une nonantaine de sources scientifiques, nous avons recensé 65 règles qui cadrent la représentation de l’information contenue dans les données. Le but est de rendre les données visibles, de la manière la plus efficace, objective et juste possible. Cet état de l’art a été guidé par les travaux de Jacques Bertin (1967), Edward Tufte (1983, 1986, 1990) et leurs suiveurs ainsi que par les travaux de la perception visuelle. La complémentarité de ces travaux, souvent citée mais peu explorée, est sans précédent et permet de questionner la représentation visuelle des données à l’heure des évolutions numériques. Nous considérons cet ensemble théorique et cette complémentarité comme une mine d’or outillant toute personne qui souhaite comprendre ou construire une visualisation de données. Ce savoir permet de prendre du recul critique face aux représentations graphiques qui nous sont données à voir. Il offre un cadre à respecter afin de créer des modèles le plus compréhensibles possibles, qui respectent la justesse des données. Par ailleurs, les usages, outils, méthodes et dispositifs liés aux visualisations de données évoluent en raison du numérique. Les complémentarités relevées dans la littérature permettent, selon nous, de commenter l’évolution visuelle de la visualisation de données en regard des nouveaux médias.

 

 

From data to information : Visualization practices and challenges

A research workshop of the center for research in communication (RECOM)
Institute for Language & Communication
Université catholique de Louvain

26 April 2017

 

08h45 : Introductory Talk by the President of the IL&C & Coordinator of the RECOM

10h20 : Coffee break

12h40 : Lunch

16h00 : Plenary session with the keynotes

16h45 : Drink

 

Address :

Ecole de Communication – Room E.221

Ruelle de la Lanterne Magique, 14 – 1348 Louvain-La-Neuve

 

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Big Data et vie privée : conférence le 24 octobre au Mundaneum

LE LUNDI 24 OCTOBRE À 19 HEURES
AU MUNDANEUM
Rue de Nimy, 76 – 7000 Mons
En prélude à la Big Data Week 2016
Conférence introduite par Philippe Busquin, Ministre d’Etat
Une conférence organisée par le Mundaneumen collaboration avec l’UCL et Digital Wallonia.
L’Internet promeut nos libertés et est source de possibilités extraordinaires, mais les technologies de l’information et de la communication créent aussi, paradoxalement, des risques majeurs vis à vis de la protection de notre vie privée. Vincent Blondel, recteur de l’Université catholique de Louvain, questionnera ce phénomène : où trouver l’équilibre?
Le Mundaneum est partenaire de l’année académique 2016-2017 de l’UCL placée sous le signe de l’ « Aventure scientifique ».
Entrée : 5 € (tarif réduit : 3 €)
Gratuit pour le personnel de l’UCL et les étudiants détenteurs de la Carte Culture UCL
Inscription souhaitée : info@mundaneum.be ou 065/31.53.43