Tiffany Andry VINM

Tiffany Andry questionne les principes de design des visualisations de données à la conférence VINM 2017

Le 9 novembre 2017, Tiffany Andry, chercheuse en communication au Social Media Lab, a contribué à la conférence « Visualizing (in) the new media » à Neuchâtel, en Suisse. Organisée conjointement par les universités de Neuchâtel, Zurich et Berne, cette conférence internationale portait sur la communication visuelle dans/à propos des nouveaux médias. Que ce soit du point de vue des interactions sociales, du métadiscours, des idéologies visuelles ou du design industriel, les 42 interventions de chercheurs de différentes nationalités ont largement couvert la thématique, du 8 au 10 novembre.

Tiffany en faisait donc partie. Dans sa thèse, sous la promotion de François Lambotte et Pierre Fastrez, elle réfléchit à l’influence de la potentielle ornementation des visualisations de VINMdonnées sur la construction de sens des utilisateurs. Une visualisation de données peut être un petit graphique comme on a l’habitude d’en voir dans les nouveaux médias, tout comme une image complexe qui en quelques traits nous explique des relations entre différentes variables. Ces graphiques sont souvent admirés pour leur côté « design » parce qu’ils semblent beau ou sont attirants. C’est ce que Tiffany questionne : comment est-ce que nous faisons sens de ces graphiques – parfois enjolivés ou non – qui ne sont pas toujours réalisés en suivant les règles de construction qui existent en la matière ? Lors du colloque VINM, Tiffany a expliqué pourquoi, selon elle, ces règles de construction et ces principes de design pourraient être revus et discutés aujourd’hui, en fonction de notre contexte communicationnel qui se voit en mutation grâce au digital. Une présentation qui a été bien reçue, avec une phrase qui a marqué les esprits : « Peut-on se permettre, aujourd’hui, de se contenter de la perception d’une visualisation de données sans en questionner le sens, alors qu’on sait que notre écosystème communicationnel est en pleine mutation ? La réalité est bien plus complexe ». Découvrez sa présentation plus en détails en fin d’article.


Dataviz et nouveaux médias : des règles de construction graphique remises en cause ?
Par Tiffany Andry & François Lambotte

Ces dernières années, la quantité d’information produite et accessible n’a cessé de croître de façon exponentielle, notamment grâce à l’essor de l’activité socio-numérique. Les nouvelles technologies permettent l’extraction, le traitement algorithmique et la visualisation des données à des fins informationnelles et communicationnelles et transforment profondément nos sociétés (Cardon, 2015). L’utilisation de programmes de visualisation de données est aisée. La démocratisation des sources de données sur le web et les progrès graphiques en informatique enclenchent une évolution dans le domaine de la visualisation d’informations (Viégas et Wattenberg, 2007). Les visualisations de données, facilitées par ces évolutions, ont le vent en poupe. Mais, en ce qui concerne la représentation visuelle des données, il existe des principes et des règles de représentation graphique de l’information qui, semblerait-il, ne seraient pas forcément respectées dans les visualisations de données propagées aujourd’hui. L’intérêt de la visualisation de données réside dans l’économie cognitive qu’elle offre à son lecteur. Elle rend également plus simple la lisibilité et la mémorisation (Saulnier, Thièvre, Viaud, 2006). En bref, elle peut présenter une information de manière complète, rapide et percutante. C’est également la raison pour laquelle elle est fréquemment utilisée dans les (nouveaux) médias et dans les entreprises. Mais, alors qu’elle est fréquemment utilisée pour transmettre ou comprendre une information, il est bon de se demander si les bases théoriques concernant la représentation graphique de l’information sont toujours valables en regard de cette évolution.

Ainsi, lors d’un travail de revue de littérature appuyé sur une nonantaine de sources scientifiques, nous avons recensé 65 règles qui cadrent la représentation de l’information contenue dans les données. Le but est de rendre les données visibles, de la manière la plus efficace, objective et juste possible. Cet état de l’art a été guidé par les travaux de Jacques Bertin (1967), Edward Tufte (1983, 1986, 1990) et leurs suiveurs ainsi que par les travaux de la perception visuelle. La complémentarité de ces travaux, souvent citée mais peu explorée, est sans précédent et permet de questionner la représentation visuelle des données à l’heure des évolutions numériques. Nous considérons cet ensemble théorique et cette complémentarité comme une mine d’or outillant toute personne qui souhaite comprendre ou construire une visualisation de données. Ce savoir permet de prendre du recul critique face aux représentations graphiques qui nous sont données à voir. Il offre un cadre à respecter afin de créer des modèles le plus compréhensibles possibles, qui respectent la justesse des données. Par ailleurs, les usages, outils, méthodes et dispositifs liés aux visualisations de données évoluent en raison du numérique. Les complémentarités relevées dans la littérature permettent, selon nous, de commenter l’évolution visuelle de la visualisation de données en regard des nouveaux médias.