Crowd and Communities : la valeur ajoutée d’un croisement interdisciplinaire

Ce jeudi 12 janvier s’est tenue « Crowd and Communities », une journée d’étude organisée par le Social Media Lab. Plusieurs chercheurs d’horizons différents étaient invités à présenter leurs travaux de recherche, qu’ils n’en soient qu’à leurs prémices ou presque aboutis. Marketing, communication, linguistique, informatique ou encore gestion : ces diverses disciplines se sont retrouvées, le temps d’une journée, au carrefour de réflexions sur les plateformes digitales, les médias socio-numériques, les pratiques professionnelles liées et différents enjeux du numérique.ceowd1

Et de fait, cela tenait tout son sens, tant l’expansion du digital impacte plusieurs domaines, induisant des types de questionnements différents, mais sur un fond similaire.

C’est Félix Sommer, chercheur en fin de thèse à l’institut multidisciplinaire pour la modélisation et l’analyse quantitative (IMMAQ), qui a ouvert le bal en présentant ses questions de recherche et sa méthode. Sa recherche concerne les systèmes de recommandation que tout consommateur en ligne a l’habitude de retrouver sur des sites de vente, tel Amazon. Son objectif de recherche global est de construire un modèle multi-niveau de système de recommandation. L’accomplissement de cet objectif est propice au questionnement. Parmi d’autres questions de recherche potentielles, le chercheur a exposé une interrogation en ce qui concerne le choix de l’algorithme mis en place par le recommandeur qui pourrait être influencé par son environnement offline et online. Cette présentation dense était une belle entrée en matière pour la plupart des chercheurs présents, tant elle montrait les intérêts communs du marketing, de l’informatique, des statistiques et des possibilités technologiques ouvertes par le numérique.

S’en est suivi une Poster Session durant laquelle 5 jeunes chercheurs ont présenté le projet de thèse qu’ils mettront en place dans les années à venir.
La session a commencé avec une question de recherche dans le champ de la visualisation d’information : « Qu’est-ce qui, dans les visualisations de données, aide les destinataires à produire du sens et à poser une action ? Quel est l’impact des pratiques d’embellissement sur la construction de sens du récepteur ? » Cette question de recherche sera traitée par Tiffany Andry, assistante de recherche au Social Media Lab.
Ensuite, le projet de Damien De Meyer, chercheur au Social Media Lab également, consiste à produire une analyse linguistique à partir des forums de Doctissimo. Son but sera de produire, à partir d’une analyse textuelle automatisée, un ensemble de connaissances et de métriques qui pourront être exploitées tant par les animateurs que par les utilisateurs d’une communauté en ligne.
Laetitia Lambillotte, chercheuse au LouRIM sous la chaire IPM-Digital Marketing, entreprend une recherche sur la personnalisation des sites web. Elle s’intéresse à la perspective du consommateur en étudiant l’expérience de personnalisation, ainsi que les antécédents et conséquences de cette expérience.
Dans le domaine entreprenarial, Amélie Willaume, assistante à la Louvain School of Management, cherche à comprendre quelle est l’influence de la narration entrepreneuriale sur l’attitude et la prise de décision des pourvoyeurs de fonds dans un contexte de crowdfunding.
Finalement, Tama Rchika, chercheuse au Social Media Lab, s’interroge sur la définition de l’intelligence collective et sur les facteurs qui stimulent son émergence. Elle se concentre pour cela sur les plateformes collaboratives en ligne.
Les cinq chercheurs ont pu débattre à propos de leur projet avec les personnes présentes. De fait, il semblerait qu’un commentaire venant d’un chercheur d’une autre discipline puisse parfois offrir une vision des choses plus larges ou permette de générer des idées qui n’auraient pu exister sans ce croisement disciplinaire. De fait, les disciplines peuvent parfois être cloisonnées, et de telles discussion en début de thèse peuvent amener à reconstruire une réalité que la discipline a morcelée. Les jeunes chercheurs sont ressortis encouragés et enrichis de cette expérience.

Durant l’après-midi, quatre chercheurs bien lancés dans leur parcours doctoral ont ensuite pris les rênes de la journée.
Ainsi, Nicolas Vanderbiest, assistant en communication et au LASCO à l’UCL, a montré comment il a analysé des crises sur Twitter au cours de ces derniers mois. En effet, le réseau social est très utilisé durant les périodes de crise, ce qui permet un terrain d’étude intéressant. Le chercheur a donc choisi de s’attarder sur les crises engendrées par les 5 derniers attentats en date en Europe. Nicolas ne s’est pas étendu sur la méthodologie employée mais a pris soin de présenter quelles sont les limites principales d’une telle étude, qui concerne un phénomène nouveau dans un certain contexte culturel.
Damien Renard, professeur en communication dont l’intérêt porte sur le marketing viral et les communautés en ligne, a présenté son étude des modes relationnels et du processus de créativité à l’intérieur de plateformes de crowdsourcing d’idées. Son étude est encore en cours et se révèle captivante. Il s’interroge sur les plateformes co-opétitives (la coopétiton est une contraction des mots coopération et compétition) et sur leur impact sur le processus de génération d’idées créatives. Il a pu expliquer ses premiers résultats, après une analyse menée sur une plateforme de crowdsourcing d’idées bien connue.

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La présentation de Thomas Leclerc, chercheur en Marketing à l’UCL, ensuite, était tout à fait en lien avec le sujet. De fait, il se demande quels sont les effets réels de la gamification pour un participant qui perd au jeu de la marque qui se met en scène. Quel est son engagement envers l’entreprise après l’échec au jeu ? L’engagement du consommateur envers l’entreprise, avant qu’il ne joue, a-t-il un impact lorsque le consommateur perd ? Le chercheur a présenté les résultats de son étude menée dans un contexte réel. Ils seront également disponibles dans le papier qu’il vient de soumettre dans le cadre de sa thèse en gestion.

Finalement, Sophie Huys, doctorante en communication et au LASCO, a expliqué l’avancement de son projet de thèse qui concerne les plateformes numériques dans les ONG. Elle mène effectivement une ethnographie chez Greenpeace afin de comprendre quelle est la fonction d’une plateforme interne dans la reconfiguration de cette ONG qui se restructure peu à peu. Entre autres, la chercheuse a pu débattre de l’observation participante et des bienfaits que celle-ci lui procure en ce qui concerne la veille et l’analyse de la plateforme digitale.

Quoi qu’il en soit, la conclusion de cette journée est très positive. Elle a permis aux chercheurs présents – mais aussi aux anciens étudiants et professionnels qui souhaitaient connaître quel est l’élan des recherches actuelles – de sortir des sentiers battus. Si cela peut parfois sembler déstabilisant, il s’avère que le retour sur son propre objet de recherche peut être agréablement surprenant, tant le chercheur peut se sentir stimulé. Si l’on en croit E. Morin, selon qui le tout vaut bien plus que la somme des parties (1977), il y a une vraie plus-value à mettre en commun tant de recherches différentes. C’est sans aucun doute l’avantage de l’interdisciplinarité, qui, en rassemblant des personnes de divers horizons sur un sujet bien précis, a le pouvoir de booster chacun de ces chercheurs à bloc, et de faire avancer la connaissance de manière générale et non morcelée. Finalement, les plateformes digitales sont un objet d’étude qui a encore de beaux jours devant lui…